mercredi 2 novembre 2016

"Check, Please !", garanti sans cliché !


"Check, Please !" est la BD que la communauté LGBT+ attendait depuis des années.
Il s'agit d'un web-comic ( c'est-à-dire une BD entièrement publiée sur internet ) qui se centre sur le personnage de Bitty, nouvel étudiant à l'université et membre de l'équipe de hockey, et son histoire d'amour avec Jack Zimmerman, capitaine de l'équipe.
Ce qui rend cette BD si spéciale, en plus de ses gags et de ses personnages attachants, est le fait que l'histoire est loin des clichés habituels que l'on nous ressort dans toutes les relations homosexuelles - à savoir deux garçons qui s'aiment "seuls contre le monde" et affrontant des hordes d'homophobes ignorants.

Attention : la BD est entièrement disponible ici MAIS seulement en anglais ( il n'y a pas eu de traduction à ma connaissance ). Je dirais qu'il faut un niveau lycée pour comprendre ? Vous pouvez toujours tenter...

L'histoire

Pour commencer par le plus important.
L'intrigue prend place dans le campus de Samwell aux Etats-Unis. Eric Bittle, connu sous le surnom de Bitty, est en premier année et rejoint l'équipe de hockey, dirigé par Jack Zimmermann. Problème : il est terrifié des coups. Or, le hockey est un sport de contact...
La BD, divisé en sketches pour la plupart comiques, raconte son intégration à l'équipe, son histoire d'amour et ses tribulations quotidiennes.

Sa relation avec Jack est donc au centre de l'histoire et est, selon moi, assez bien décrite et intéressante. Le focus est bien sur "deux personnes tombent amoureuses" et non "deux HOMMES tombent amoureux, ils sont gays, ai-je précisé qu'ils étaient deux HOMMES ?". Je grossis le trait mais vous voyez ce dont je parle. Concrètement, ça veut dire qu'on vous épargne les longs dialogues sur les gens qui n'accepteront jamais leur amour, etc... Parce que figurez vous que nous autres les queers ( = membre de la communauté LGBT+ ) on parle d'autre chose, des fois.
A la place, ils ont les problèmes que l'on rencontre dans la plupart des relations amoureuses, homo ou non : jalousie, distance... Et en plus ils sont adorables.

L'auteur a également crée un compte Twiter pour Bitty où on retrouve des bonus - mais n'étant pas Twitter, je ne peux pas vous en dire plus, désolé.

Bon à savoir : la BD s'est constitué un fandom sur Tumblr et vous pouvez trouver plein de fanfics cools sur Archive of Our Own.

Les personnages

Les persos sont ce qui m'a le plus marqué dans cette BD. Ils sont tous assez attachants et drôles, à leur manière.

Bitty, protagoniste, déjà brièvement présenté.
Ancien patineur artistique, il a ensuite changé pour le hockey. Il a été harcelé au lycée, source de sa peur des coups - il a été enfermé dans un casier pour toute une nuit, par exemple. Malgré cette faiblesse, il est très doué pour ce sport.
Il a une chaîne de vlog, adore Beyoncé et est proche de sa mère et grand-mère. Il est assez timide et s'embarrasse facilement, mais malgré tout s'intègre assez facilement à l'équipe où il se fait vite des amis. Il cuisine des tartes par centaines - assez littéralement - et parle au four de sa résidence qu'il appelle Betsy.
Il peut paraître très enfantin mais il peut aussi être sérieux et mature quand c'est nécessaire.

Jack Zimmermann, capitaine de l'équipe.
Son père est un grand joueur de hockey mondialement connu, il a donc de grandes attentes sur les performances de son fils. Comme on peut s'y attendre, cela résulte en une sévère anxiété chez le jeune sportif, ce que peut le pousser à rabaisser les autres et à rester à l'écart. Il est sévère avec son équipe, mais il se blâme toujours en cas de défaite.
Il est très silencieux et ne prend pas part à la plupart des conversations. Il lui arrive souvent de se méprendre sur le sens de ce que lui disent les autres et manque systématiquement les références culturelles.
C'est un de mes personnages préférés ! Il peut sembler assez cliché - le beau garçon mystérieux - dans ma description mais il est réellement intéressant.


Shitty Knight, véritable nom inconnu.
Membre de l'équipe de hockey et ami proche de Jack, il suit les cours de  Political Studies et Women and Gender Studies ( c'est en gros un cours de féminisme, il en fallait pas plus pour que je l'adore ) et est reconnu comme un pur génie par l'équipe. Il est le "bon ami" à qui on peut venir se confier. Il est très créatif.
La description exacte du personnage dans le comic - avec traduction faite maison - est "un mystérieux féministe moustachu".
Il est très attaché à toute l'équipe à qui il rend souvent visite après la fin de ses études. Il prend soin de tout le monde. Ses meilleurs amis sont Jack et Lardo.
C'est donc un autre de mes personnages préférés, parce qu'il est simplement affreusement gentil et drôle.

Larissa Duan, surnommée Lardo, manager de l'équipe.
Son travail est un peu obscur pour moi, mais la plus grosse partie consiste à s'occuper du bizutage des nouveaux et à être vénérée par les membres de l'équipe. Elle suit a priori un cursus d'art. Elle est très proche de Shitty qui l'aide pour ses oeuvres. Elle est très douée pour le bière-pong ( raison de l'admiration de l'équipe ). Elle parle peu, mais sait se faire écouter même de Jack et Shitty. Elle peut être autoritaire mais ne se met presque jamais en colère. Elle peut paraître un peu distante par moment. Elle se confie à Bitty à propos de ses problèmes, particulièrement à propos de ses cours et de ses amis.
Elle n'est pas vraiment très présente dans le comic, mais j'adore son personnage.

Ransom et Holster sont les deux autres membres de l'équipe.
Ils sont meilleurs amis et des fans absolus de tout ce qui touche au hockey. Ils s'entendent bien avec tout le monde. Ils servent souvent de ressort comique, et leurs persos ne sont pas vraiment les plus intéressants à mon sens. Ils représentent souvent la vox populi, les étudiants moyens. Ils expliquent parfois les subtilités du vocabulaire du hockey aux lecteurs, comme les surnoms.



Dans l'ensemble, la BD est vraiment drôle et agréable à lire - je suis vraiment fan du style de dessin - et se lit vite.
Si vous avez 5 minutes à lui consacrer, elle vaut vraiment le détour ( et est gratuite donc pas d'excuse ) !

dimanche 18 septembre 2016

Un petit cours de français

De retour avec un sujet à la fois lointain et très proche de mes critiques habituelles : les mots.
Ou plutôt, la grammaire.
Ce n'est pas un secret que la langue française est machiste et entretient beaucoup de stéréotypes sur les genres - le fameux "le masculin l'emporte sur le féminin" par exemple. J'ai trouvé sur la page Facebook de "la fée-ministe" des règles de grammaire alternatives plus égalitaires.

Avertissement : Je ne garantis pas que ça soit accepté en contrôle de français.

I. Le "iel"


   Si vous allez sur des sites ou des réseaux LGBT-friendly, vous avez peut-être déjà rencontré ce néologisme. Il s'agit d'un mélange entre "elle" et "il" qu'on utilise parfois quand on ne connaît pas le sexe de la personne dont on parle, mais surtout à propos de personne non-binaire dont le choix du pronom est toujours un casse-tête. Cela remplace en anglais le pronom neutre "they".
   La forme plurielle peut aussi être utilisé pour un groupe mixte. Dans ce cas, cela remplace "ils" et la règle du masculin qui l'emporte sur le féminin.

II. L'accord de proximité


   Cette règle d'accord a été utilisé au Moyen-Age pendant une longue période avant d'être abandonnée au XVIIème siècle au profit de la règle actuel. Aujourd'hui de nombreux groupes féministes souhaitent y revenir.
    Prenons pour l'exemple la phrase "Les moineaux et les pies se sont envolés". Moineaux est un masculin pluriel, et pies un féminin pluriel. Quelque soit le nombre de l'un ou de l'autre, envolés sera au masculin.
    Avec la règle de rapprochement cependant, on accorde le participe avec le nom le plus proche de lui dans la phrase, et non l'intégralité du groupe. Ainsi, on écrit "Les moineaux et les pies se sont envolées" et "Les pies et les moineaux se sont envolés.". On l'emploie aussi avec le singulier et le pluriel : "Les pies et le moineau se sont envolé." et avec les adjectifs : "Des moineaux et une pie bleue".

III. L'ordre alphabétique


   On dit "des lecteurs et des lectrices" ou "des lectrices et des lecteurs" ? Dans un pareil cas de figure, c'est toujours le féminin en dernier. Pour varier, on préfère utiliser l'ordre alphabétique pour départager les deux noms.
   On garde donc "des lecteurs et des lectrices" mais on change pour "des boulangères et des boulangers".


Voilà, j'essaierai d'utiliser ces règles à l'avenir dans mes articles mais je ne promets rien, j'ai déjà bien assez de mal avec les règles de grammaire classiques...

vendredi 2 septembre 2016

Morwenna : la petite fée-ministe

 ( Mon sens du jeu de mot frappe à nouveau ! )


Je profite de mon intro pour remercier les deux têtes de mules qui m'ont forcées à faire un blog, voilà l'adresse des leur :
http://byeva.over-blog.com/ parle de séries, de films, de livres, de BD... Et même de philo quand elle est d'humeur !
https://lepetitmondedevagabonde.wordpress.com/  parle principalement de livres mais aussi beaucoup de photo, et il y a quelques recettes de cuisine !
SI vous voulez faire un tour dans leur univers, je vous garantis que vous ne le regretterez pas !

Présentation


   Morwenna est un livre de Jo Walton sorti en 2016 aux éditions Gallimard en France. Il est originaire de Galles du Sud, au Royaume-Uni.

   Les thèmes principaux sont l'adolescence, la magie, les querelles familiales, l'amour et l'amitié, les fées et surtout les livres.

   L'histoire est celle de Morwenna Phelps, jeune fille galloise d'une quinzaine d'années. Mori - c'est son surnom - aime passionnément les livres, surtout la fantasy et la SF, pratique généralement des rituels de magie blanche et voit des fées. Elle partage tout cela avec sa sœur jumelle Morganna.
   Juste qu'à la mort dramatique de cette dernière dans un accident de voiture.
  Après bataille entre les services sociaux et sa mère à moitié folle, elle est confié à la garde de son père, qu'elle n'a pourtant jamais connu, et de ses trois sœurs, qui s'en débarrasse illico en l'envoyant dans un pensionnat. Et c'est là que le roman débute.
    Rédigé comme un journal intime, planant entre rêves et réalité, ce roman merveilleux nous entraîne dans la vie d'une héroïne particulière, perdue et solitaire qui saura sûrement vous charmer...

Cet article est garanti sans spoiler !

Morwenna, un personnage à double sens


   A première vue, Mori pourrait être un personnage extraordinaire, qui se distingue de la masse des jeunes filles de son âge. Après tout, n'a-t-elle pas des pouvoirs magiques surnaturels et la capacité étrange de voir des fées ? Ce n'est pas sûr... En effet, Jo Walton cultive le mystère autour des pouvoirs de son héroïne. Les fées sont-elles réelles ou simplement son imagination ? Ses sorts marchent-ils réellement ou est-ce un effet de l'hasard ou de son inconscient ? Le lecteur ne peut pas le savoir et Morwenna non plus... Dans quelques passages seulement l'auteur donne des indications vers une théorie ou une autre - et c'est d'ailleurs ce qui m'a moins plu dans ce roman.

   Morwenna, donc, est une jeune fille comme une autre. La seule chose qui puisse vraiment la différencier des autres est son passé troublé avec sa mère et sa sœur. Pour le reste, elle passe par les mêmes étapes que la plupart des adolescentes : découverte de la sexualité, quête d'identité, rejet et besoin de l'autre... Le tout pimenté de conflits entre ses familles maternelles et paternelles. Et la magie de la jeune fille peut être considéré comme un simple besoin de savoir qui elle est réellement. Elle cherche à se distinguer des autres, tout en voulant savoir ce qui la rapproche d'eux. Etant moi-même adolescente, j'ai trouvé qu'elle était vraiment réaliste à ce niveau et bien décrite.

   Si ce personnage m'intéresse d'un point de vue féministe c'est parce que c'est, pour moi, l'exemple d'une adolescente "femme forte". Même si elle peut s'appuyer parfois sur un homme, elle se débrouille la plupart du temps toute seule. Elle est forte et intelligente et sais, presque inconsciemment, qu'elle existe pour elle et non pour les garçons ( leçon que beaucoup trop d'adolescentes apprennent trop tard ). Elle se considère comme l'égale parfaite d'un homme au point de ne jamais même douter de cela. Lorsqu'un garçon lui fait des commentaires sur sa vie sexuelle ( un moment si agréable pour toutes les femmes ) et la traite de "pute", elle ne se demande pas si effectivement son comportement était inapproprié, elle se dit tout de suite qu'il était bizarre et passe à autre chose. Sans en avoir l'air, cet acte démontre une grande confiance en soi et un grand courage. La plupart des femmes auraient été beaucoup plus atteintes ( ce qui ne signifie pas que je les considère comme faibles, bien entendu ).

   On a donc une fille à la fois extraordinaire et banale. On peut donc s'identifier facilement à elle et bien la comprendre...

Découverte du féminisme


   Le personnage central n'est pas le seul atout féministe du livre - la découverte du sexisme de Morwenna est aussi marquante. Sans que ce soit un thème central de l'histoire, les grandes questions du féminisme sont présentes dans le parcours du roman.

   On a déjà parlé des insultes qu'elle a reçu d'un garçon, mais un autre passage nous parle avec une bonne justesse du slut-shaming ( rappel : cela désigne un comportement sexiste qui stigmatisme une femme en raison de sa vie sexuelle jugée trop active ). En effet, lors de la sortie hebdomadaire des filles du pensionnat en ville, une amie de Morwenna critique les élèves qui se maquille et qui en profite pour rejoindre leur petit copain. Bien qu'il soit en soit banal d'avoir un petit ami à 15 ans, les principes strictes de leur école les amènent à juger ces filles qui ne font rien de mal...

   Le thème de l'homosexualité est aussi évoqué : en effet, puisque l'école est un pensionnat pour filles, il y a plusieurs relations homosexuelles entre les élèves. Mori dit même que le soir, les filles vont se rejoindre dans leur lits. Et vers le milieu du roman, suite à un quiproquo, une surveillante punit Morwenna et son amie car elle pense que les deux sortent ensemble. Un peu de tolérance, ça met toujours de bonne humeur...

   Le seul thème où le mot de "féminisme" soit vraiment prononcé - je ne comprendrais jamais pourquoi les gens ont peur de l'employer - est celui de la grossesse adolescente. Sans que cela se produise dans le roman, le débat vient à un moment de l'histoire sur une fille qui a dû avorter. Deux visions s'opposent alors : celle de Janine qui se met du côté de la fille à 100%, en disant que son petit copain l'a "mise enceinte" et n'a pas assumé ses responsabilités, et celui de Hugh qui rappelle qu'il ont été deux à oublier de se protéger et qu'il ne faut pas rejeter la faute entière sur le garçon.
   C'est d'ailleurs Hugh qui prononce le mot "féminisme", dans une réplique que j'ai beaucoup aimé, toujours dans le débat sur la grossesse accidentelle  :
- Janine pense que pour être féministe il faut croire tout le temps en la fille. Moi je pense qu'il faut traiter tout le monde de la même façon, dans la mesure du possible. Je ne sais pas ce qui c'est passé. Mais je sais que je ne sais pas.

   Enfin, le roman touche rapidement au thème du contrôle de sa sexualité d'une jeune fille. Morwenna sait en effet qu'elle a le droit de refuser les avances, mais aussi de les accepter, sans se justifier. Elle sait aussi qu'elle a le droit de faire elle-même les avances, même si elle est une fille. Et enfin, elle n'a aucun complexe à demander la pilule à son médecin ou à acheter des préservatifs au cas où...


Conclusion

   Morwenna est un roman très beau, à la fois dans l'écriture, l'histoire et le message. Il autorise à être différent dans un âge où on voudrait être comme tout le monde... Je trouve cependant que la fin perd l'originalité du livre et n'est pas aussi belle que ce que j'espérais vu le reste du roman...
   Cela reste un livre très touchant que je recommande à tous ceux qui sont en manque de livres !

samedi 27 août 2016

Death Note, analyse de la place des femmes

( C'est mon premier article de blog... J’espère qu'il vous plaira ! )

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 Présentation de l’œuvre

    Death Note est un manga japonais écrit par Tsugumi Oba et dessiné par Takeshi Obata. Il est constitué de douze tomes publiés à partir de 2007 en France par Kana.
    Il est adapté en anime en 2006 au Japon par le studio Madhouse.

   Les thèmes principaux sont les différentes visions de la justice, la peine capitale ( toujours utilisée au Japon ) et la quête de justice.

   L'histoire est celle de Light Yagami, un jeune lycéen fils du chef de la police japonaise. Il reçoit un jour un don prodigieux de la part d'un dieu de la mort, Ryuk. Grâce à un cahier spécial nommé Death Note, il peut tuer des humains de la façon dont il le souhaite en y écrivant leur nom. Motivé par son sens de la justice, il commence à y inscrire le nom de nombreux criminels pour "purifier" le monde. Ses actes attirent l'attention du plus grand détective au monde, L, dont nul ne connaît ni le visage le nom. Il commence à rechercher Light - connu désormais sous le nom de Kira - pour le stopper dans sa folie. Les deux génies s'engagent dans un duel de ruse et de déduction pour faire régner leur vision de la justice...

!!! Si vous n'avez pas lu/vu ce manga, cet article contient des spoilers majeurs !!!

Place des personnages féminins

   De manière générale, on peut classer les personnages de Death Note en deux catégories : les normaux et les génies, qui sont pourvus de capacité intellectuelles bien supérieures à la moyenne et qui mène le jeu de l’enquête. Ce sont aussi les personnages principaux. Ceux là sont quatres : Light Yagami, L Lawliet, Near et Mello.
   Que des hommes donc.
   En dehors du fait qu'un livre où il n'y a pas de personnage principal féminin est assez dégradant pour les femmes ( les premiers exemples qui me viennent à l'esprit sont les BD pour enfants comme Tintin ou Astérix ), ici cela insinue que seuls les hommes peuvent avoir une grande intelligence.
   Tiens, le bon vieux cliché de "Les filles sont stupides" !
    Au mieux, les filles de Death Note sont des alliés moins doués des personnages masculins, au pire elles ne sont que des pions utilisés par eux pour arriver à leur fin.

   De plus, les femmes semblent partager une faille dont les fameux génies bien heureusement préservés : leur sentimentalisme. Je veux dire qu'elles s'attachent aux hommes - souvent en tombant amoureuse d'eux - et qu'à partir de ce point ce sont ces sentiments envers eux qui les dirigent et non plus leurs propres besoins, envies et capacités. Elles appartiennent à leur homme et suivent leur volonté sans rien questionner.
   Je préviens les garçons que si c'est votre image de la petite amie idéale, vous allez connaître de grandes déceptions.

   Et penchons nous rapidement sur le travail de ces demoiselles : mannequin, présentatrice du journal, femme au foyer... Des métiers bien féminins ! Même dans les plans larges du commissariat ou du FBI, que des messieurs. Et si je veux enquêter avec L et les autres, il ne me reste plus qu'à m'acheter de la testostérone ! En tant que fille, je suis bien trop faible pour tout ce stress, vous comprenez.
   Sarcasme à part, je rappelle que ce manga s'adresse à des lycéens et collégiens qui sont donc en pleine orientation. Est-ce vraiment le genre de message qu'on veut leur faire entendre à ce moment de leur vie ?


Exemples de personnages féminins

 

   Pour illustrer un peu toutes ces notations, je vais analyser rapidement trois des personnages féminins de Death Note, récurrents ou non.
   J'ai essayé de les faire les plus représentatifs possibles mais étant donné que je n'ai aucun souvenir de la partie avec Near et Mello, elles viennent toutes du début du manga.


Misa Amane

  Misa, mannequin et plus tard actrice, est une propriétaire de Death Note et pro-Kira. Elle est folle amoureuse de Light et met ses talents à son service.
   Bon, critiquer Misa d'un point de vue féministe c'est un peu tirer sur l'ambulance je vous l'accorde. Mais comme c'est le personnage féminin le plus présent, j'y suis un peu obligé.
   Misa n'a aucune vie qui lui est propre. Tout ce qu'elle fait est dicté par ses sentiments et non par sa raison. Et je ne parle pas que de Light. Pour quelle raison est-elle pro-Kira ? Pas par conviction ou idéal, parce qu'il a "vengé" la mort de ses parents - événement jamais creusé d'ailleurs, comme si c'était juste une excuse pour son opinion. Mais sa relation avec lui a tout de même accentué les choses.
   Quoi qu'en ai dit Light, Misa est intelligente. Assez pour retrouver Kira en à peine une semaine. Certes, elle a été souvent maladroite mais il n'y a pas beaucoup de gens qui auraient réussi - moi en tout cas, non. Elle n'est pas aussi maligne que les 4 génies mais tout de même. Mais après sa rencontre avec lui ? Elle devient stupide et naïve. Son amour efface toutes ses capacités. Il l'affaiblit. Il lui fait faire des choses inhumaines.
 Tuer des innocents ( et je ne parle même pas des criminels ).
 Diviser son espérance de vie par deux à deux reprises.
 Proposer de tuer une de ses amies ( celle qui avait envoyé les cassettes vidéos )
 Et finalement, se suicider après la mort de Light.
   Elle ne peut plus penser car, femme qu'elle est, elle est esclave de ses émotions. Et c'est ce qui fait que 98% des fans du manga ne la supporte. Et qui pourrait les blâmer ? Elle est un stéréotype sans relief.

   Moi, je me confesse, je l'aime bien. Pour des raisons sentimentales uniquement. Parce que ma première pensée quand je l'ai vu dans le manga a été "Enfin une fille". Et que, du début à la fin, j'ai attendu en vain le moment où elle révélerait sa force et son courage. Qui n'est jamais arrivé bien sûr.
   Qu'est-ce que j'espérais ? Ce n'est qu'une fille.

Naomi Misora

   Naomi Misora est une ex agent des services secrets aux pouvoirs de déduction étonnants. Elle a abandonné sa carrière lorsqu'elle s'est fiancé avec un autre agent.
   Il est dit à plusieurs reprises que même L est impressionné par son intelligence. Lorsque son fiancé Ray Penber manque un indice dans l’enquête et qu'elle le remarque, elle n'est pourtant pas prise au sérieux. Pourquoi ? Pas parce qu'elle est une femme, mais parce qu'elle est une femme mariée. Et que pour Super Espion, elle n'a plus le droit d'avoir autre chose dans sa vie que son mariage.
   Ce cas est différent cependant puisque le manga critique ouvertement ce sexisme de la part du fiancé. Mais on a là un personnage féminin fort, intelligent et capable de presque autant que L et Light. Un personnage donc très intéressant pour le féminisme.
   Et qui meurt en deux épisodes.
   Si il fallait absolument qu'elle meurt, pour le scénario, alors pourquoi ne pas avoir introduit un autre personnage du même type qui durerait ? Mieux, pourquoi ne pas avoir que Near ou Mello soit une femme ( j'ai cru à sa première apparition que Mello était une fille. La déception fut amère. )
   Mais pour en revenir à Naomi, sa mort n'est pas insignifiante. Elle commet l'erreur de faire confiance à Light et, affaibli par son chagrin, elle se fait tuer.
   Elle est affaiblie par ses émotions.
   Encore une fois.
   Faille à laquelle aucun des génies ne cédera.

  Et là j'ai l'impression que le sexisme va dans les deux sens :certes les femmes sont "remises à leur place" en restant faibles, mais les hommes doivent rester fort sans émotion si ils ne veulent pas être trop féminins ou ridicule ( ce qui est le cas de pas mal de membre de l'équipe d'investigation ).

Sayu Yagami

   Je ne vais beaucoup creuser cette partie étant donné que j'ai prévu un article plus centré sur le stéréotype de la "demoiselle en détresse".

   Sayu Yagami est la jeune sœur de Light. Elle est adolescente, n'aime pas trop l'école et passe beaucoup de temps avec ses amies. Elle aime les séries romantiques.
   Une des choses qui me déplaît avec Sayu est que son personnage n'est pas du tout creusé. Elle reste "la mignonne petite adolescente" puis dans la seconde partie "la gentille adulescente". Elle ressemble assez aux clichés de la petite écervelée dans les séries lycéennes. Elle est souvent décrite d'ailleurs comme une fille très normale, en opposition à son frère si particulier.
   Je n'ai pas envie de dire que "le garçon est si unique et la fille banale" parce que je ne pense vraiment pas que ce soit le but - même inconscient - du personnage mais le résultat finale est là.
   De plus, on n'échappe pas à l’enlèvement de la jeune fille par les ennemis pour faire pression sur Light. Typique.

   Une réalisatrice féministe - dont je n'ai pas réussi à retrouver le nom - a déclaré que pour chaque personnage masculin crée, les scénaristes devraient se demander pourquoi il n'est pas une femme. Et bien ici c'est la question inverse qu'on devrait poser. Pourquoi le personnage d'adolescent banale pas très intelligent qui se fait enlever ne pouvait être un garçon ?

Conclusion

   Death Note est le genre de manga qui, sans penser nécessairement à mal, renforce fortement les stéréotypes
  •  à la fois littéraire dans les rôles féminins et masculins
  • et culturelle dans l'influence qu'il a sur ses jeunes lecteurs 
    Il ne questionne la répartition habituelle des rôles femmes/hommes et ainsi produit l'effet sexiste démontré. Pourtant, si ne serait-ce qu'un seul des personnages principaux était une femme, l'effet général serait radicalement différent.